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Two poems from Silex by Fred Lafortune

 

Poem to Romin

(To Romin Germain, who met his death in the January 12, 2010 earthquake in Haiti)

 

When will you come see us again, O Wangol²
With that pit, like a wildflower
Too sorry-looking for the décor of cathedrals
O my friend with the closed eyes
Calling the wounded bird’s cry


The dust of the rubble covers your face
Like a sarcophagus over the age of fossils 
A fault announces the intoxication of blood
On the tectonics of the seasons


Off you went to run the gauntlet
A common grave on the diagonal
There you are, prince of the port of absence
Singing the Ibo³ of the Simidors⁴ 
From the other side of the river
How do we grieve for your departure

When dawn no longer responds to the sun’s call
How do we say good-bye
When the shape of cenotaphs
Shelters on your crumpled face


Your body battered by the magnitude of the day
O my friend, your eyes are closed
And on your tongue
A rotten taste of the end of the world

The land has changed so much, O Wangol
Come back

² Wangol is the Loa or spirit of voodoo, traditional Haitian song. 
³ Ibo is the Loa of traditional Haitian song. 
⁴Simidor is a repository of old songs and a popular choir. 

 

You Return

(To Her) 
 

You return with your bright eyes, you return with some old amputated mirrors that hung on the walls of the room you slept in, but that couldn’t save the remains of your beauty. In my sleepless nights, you return with a dark page, pages of history exposing my suffering to the children of the earth. Nothing exists apart from you in my silex dreams. A dark flower under my pillowcase in my sleepless nights, bearing all the furrows of rock, as if I bore the weight of death under my shadow. 


You return in the eye of the blue sea, with dead leaves, dried herbs, and crazy ants that laboriously carry the entire dream of mankind. You return along the verdant hillside, in the blue night of the ocean's eye, where we used to meet children early arisen to sing the uncertainty of the world. Winter closes in. Already, I feel the weight of nostalgia on the windows and windshield; our gestures have as an echo only the sobbing at doors leading to catacombs. I know well how to guard my secrets and my rituals, when you return with those last words we exchanged at the end of the road.


You return silently from the street, where we saw each other last, with toys for our stillborn children and promises I did not keep. You return with your human chagrin and the onomatopoeia I recited for nights on end. I look at my hands, still too large for the delicacy of your nipples. I watch my memories flee under the imprint of your steps, like plumes of smoke from a cigarette, until the end of the night.


You return, finally, from your travels to the ends of this earth that turns only for you. Loving you. Loving you like a prayer at the end of vespers. The same memories, of the first time I discovered the intimacy of your body, return ceaselessly. I am alone in the night, barely lit by a shred of moon, a somnambulist trying to anchor the stars.

 

I open wide the door of silence, as if all that remains of our love is a stripped fruit under the rain. We are figures nailed to our separate roads. Winter closes in, like a star whose light we no longer see.
 

Deux poèmes du Silex par Fred Lafortune

Poème à Romin 
(À Romin Germain, mort en Haïti lors du séisme du 12 janvier 2010)

 

Quand passeras-tu nous revoir Wangol² ô 
Avec cette fosse comme une fleur sauvage 
Trop triste pour le décor des cathédrales 
Ô mon ami aux paupières closes 
Portant le cri blessé de l'oiseau

 
La poussière des décombres sur ton visage 
Tel un sarcophage sur l'âge des pierres 
Une faille annonce l'ivresse du sang 
Sur la tectonique des saisons

 
Te voilà parti à la bouline 
Une fosse commune en diagonale 
Te voilà prince au port de l'absence 
Chantant l'Ibo³ des Simidors⁴ 
De l'autre côté de la rivière 
Comment pleurer ton départ 

Quand l'aube ne répond plus aux appels du soleil 
Comment te dire au-revoir 
Quand la forme des cénotaphes 
Se réfugie sur ton visage renversé

 
Ton corps meurtri par la magnitude du jour 
Ô mon ami aux paupières closes 
Et sur ta langue 
Un goût pourri de fin du monde 
Le pays a beaucoup changé Wangol ô 
Reviens

 
² Wangol, Lwa du vodou, chant traditionnel haïtien. 
³ Ibo, Lwa du vodou, chant traditionnel haïtien. 
⁴Simidor, dépositaire des vieilles chansons et compositeur populaire. 

 

Tu reviens

(à elle)

Tu reviens avec l'éclat de ton regard, avec des vieux miroirs amputés qui n’ont pas su garder le reste de ta beauté qui s’accrochait au mur de la chambre dans laquelle tu dormais. Tu reviens avec une feuille sombre dans mes nuits blanches, des pages d'histoire pour conter ma souffrance aux enfants de la terre. Rien n'existe, hormis toi dans mes songes de silex. Une fleur sombre sous ma taie, dans mes nuits blanches, porte toutes les rides de la pierre, comme si je portais le poids de la mort sous mon ombre.

Tu reviens avec des feuilles mortes sous l’œil de la mer bleue, des herbes sèches, des fourmis folles qui charrient tout le rêve des hommes. Tu reviens le long de la colline de verdure, dans la nuit bleue de l’œil de la mer, où nous rencontrions des enfants tôt se levant pour chanter l'inquiétude de la terre. L'hiver est tout près, je sens déjà le poids de la nostalgie sur les vitres et les pare-brise, nos gestes n'ont d'écho que le sanglot des portes des catacombes. Je sais comment soigner mes secrets et mes rituels quand tu reviens avec ces dernières paroles que nous échangions jusqu'au bout du chemin.

Tu reviens en sourdine de la rue, où nous nous étions vus la dernière fois, avec des jouets pour nos enfants mort-nés et des promesses que je n'ai pas tenues. Tu reviens avec ton chagrin humain, tes onomatopées que je récitais des nuits entières. Je regarde mes mains, toujours trop grandes pour la fragilité de tes mamelons. Je regarde fuir mes souvenirs sous l'empreinte de tes pas comme les volutes d'une cigarette jusqu'au bout de la nuit.

 

Tu reviens enfin avec tes mouvements au bout de cette terre qui ne tourne que pour toi. T'aimer. T'aimer comme une prière de fin de vêpres. Reviennent sans cesse les mêmes souvenirs où j'ai découvert pour la première fois l'intimité de ton corps. Je suis seul dans la nuit éclairée à peine par un lambeau de lune, comme un somnambule qui veut arrimer les étoiles.

J'ouvre grande la porte du silence, comme si tout ce qui reste de notre amour est un fruit dénudé sous la pluie. L'hiver est tout près, nous sommes des silhouettes clouées dans des routes séparées comme un soleil dont on ne voit plus la lumière. 

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